Les vides se jouent des pleins
de l'artiste plasticienne Lydie Chamaret
Vit et travaille à Cancale
Née en 1988 à Fougères, formée à l’Ecole des Beaux-Arts de Quimper et à l’AICP, Lydie Chamaret développe un travail sur l’étude de l’enveloppe corporelle avec comme matériau de prédilection le textile et les nombreuses techniques qui permettent sa mise en forme.
Le corpus se divise entre des pièces nomades, portées ou portables proche du vêtement qui métamorphosent les corps et leurs gestuelles et des pièces qui s’apparentent à des enveloppes d’objet de fruit exposées comme telles, comme des traces, des négatifs. Inspirée par tout le vivant : l’anatomie humaine, le règne animal et végétal, elle opère des hybridations et des greffes : ainsi dans Tacchino (2010) le modèle humain porte une parure de tête inspirée de l’apparat de séduction animal. Elle fait usage de matières étrangères à la confection de vêtements : latex, fil de fer, qui font basculer les pièces dans le champ de la sculpture. L’usage de la dentelle ne répond pas aux canons de l’artisanat traditionnel, elle est l’outil qui permet de créer des volumes inédits, de jouer sur les transparences, les couches, les plis, les reliefs et les courbes.
En somme un vocabulaire formel qui englobe la sculpture et le vêtement en brouillant les frontières entre les deux. Elle détourne le vêtement, en dépasse l’usage et les codes par une approche sculpturale : elle joue avec la tension et le tombé du tissu, la gravité, l’informe, les matières, les chromatismes mais aussi l’inscription des volumes dans l’espace. Elle envisage le travail de la matière comme une construction et une déconstruction permanente, opérant des allers-retours incessants entre la forme plane ; le patron et le volume. Elle inverse parfois le processus, en partant d’un objet du quotidien pour en retrouver l’épure. Le vêtement disparaît alors qu’il est justement déplié, montré sous toutes ses coutures. Elle s’applique à rendre visible l’architecture de ses œuvres, elle révèle leurs envers, la doublure, le non fini, et rend apparent les étapes de leur fabrication : patrons, fils de bâti etc. […].
Certaines pièces jouent sur le décalage, le paradoxe entre la spontanéité, la rapidité d’un geste banal du quotidien – éplucher une clémentine – et les longues heures de travail nécessaires à la technique de la dentelle au fuseau. La peau du fruit comme rebut devient elle-même le patron aléatoire de l’œuvre à venir, qui fixe un geste fugace. Il en résulte un souvenir de l’anatomie de l’objet rendu sensible, organique par la fragilité de la dentelle. Lydie Chamaret s’affranchit volontairement de la rigueur et de la précision du métier de modéliste pour s’engager dans une voie où le hasard et l’informe ont toute leur place. Le mouvement Anti-forme et notamment les Wall Hangings de Robert Morris et l’œuvre d’Eva Hesse sont d’ailleurs des influences revendiquées.
Les œuvres de Lydie Chamaret montrent un intérêt récurrent pour des vêtements et des coutumes de la fin du XIXe et début du XXe siècle. Une période de bouleversement artistique pendant laquelle s’articule la fusion de l’art et du décoratif, avec en tête de proue des artistes/artisans de l’Art Nouveau comme Guimard, Gallé et Lalique. Un art ornemental inspiré des végétaux, du monde animal, du vivant, et transfiguré par l’invention de nouvelles techniques de l’art verrier, de la céramique ou du métal. Les sculptures en dentelle au fuseau de Lydie Chamaret pourraient d’ailleurs être une transposition en volume des planches dessinées par Ernst Haeckel. Il s’en dégage une ambiguïté propice à l’imagination, des formes équivoques naviguant entre les états du vivant et de la matière.
Tout ce qui constitue le folklore de l’époque : les carnavals, les fêtes populaires colorées, l’excentricité de la mode (que l’on retrouve dans le Montmartre de Toulouse-Lautrec, illustrateur de l’Art Nouveau) semblent être un lointain héritage et une source d’inspiration. Elle en retient ces moments baroques où l’on se travestit, se cache, se montre sous d’autres facettes.
Texte de Cyril Gouyette, février 2020
Infos pratiques :
- Exposition du 4 juillet au 23 août
- Rencontre avec l’artiste samedi 12 juillet de 14 h 30 à 17 h 30
- Gratuit du mardi au samedi de 14 h 30 à 18 h 30
- Galerie les Bigotes, 5 rue de La Bienfaisance
- Pour en savoir plus sur Lydie Chamaret
Association coordinatrice : AAACMV
